Si l’on en croit les programmes de traçabilité qui se préparent et ceux qui sont déjà appliqués ici et ailleurs dans le monde, un tel proverbe vaudrait son pesant d’or dans le domaine de la restauration.
Qu’est-ce que la traçabilité ?
La traçabilité est un mécanisme de suivi qui permet de savoir en tout temps d’où provient chacun des ingrédients utilisés dans la préparation d’un mets. Il suppose l’identification du producteur initial et de chacun des intervenants subséquents dans la chaîne d’approvisionnement.
Le numéro de lot est au coeur de ce système.
Quel est l’intérêt, en restauration,
de retracer l’origine des aliments servis ?
Les crises vécues dans le secteur de l’agroalimentaire poussent ses intervenants, dont les restaurateurs, à préciser leurs façons de faire. « Il est important de maintenir
le lien de confiance du client », estime M. François Meunier, vice-président aux affaires publiques de l’Association des restaurateurs
du Québec. Or, divers mécanismes en place ont déjà de quoi assurer le client d’un accès rapide à une information
rigoureuse, d’où une gestion efficace des situations de crise : « Le restaurateur ne peut pas acheter n’importe quoi de n’importe qui, poursuit M. Meunier. Déjà, les registres d’achat permettent de remonter la filière en cas de problème. ». Pour l’instant, l’essentiel des mécanismes
formels de traçabilité se retrouve toutefois dans le secteur de la transformation. Tous les secteurs de la chaîne alimentaire, dont la restauration,
ne sont pas engagés dans des mesures de traçabilité.
Quelle est la situation actuelle au Québec ?
Qu’il s’agisse de viandes ou de produits laitiers, un restaurateur doit s’approvisionner
auprès d’un fournisseur
qui détient un permis en vigueur, en plus de tenir un registre des opérations. Cette mesure prévoit toutefois un certain nombre d’exceptions,
notamment les viandes de pintade, de faisan, de perdrix ou de caille, comme le précise le Guide préparé à l’intention des exploitants et exploitantes d’établissements de restauration et de vente au détail d’aliments, publié par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation
(MAPAQ). L’information qui figure actuellement sur les boîtes et les factures représente, dans les faits, un mode de traçabilité grâce auquel on pourra retrouver l’origine ou l’emplacement des produits s’il y a rappel ou problème. Ce fut le cas, notamment, lorsqu’un problème d’intoxication
au basilic est survenu dans un restaurant il y a quelques mois. Pour l’instant, le système québécois de traçabilité concentre ses efforts dans le secteur animal. « La fièvre aphteuse en Europe, la tremblante du mouton... les circonstances ont fait qu’au Québec, on s’est d’abord intéressé à assurer la traçabilité
de produits carnés », confirme Mme Sylvie Boutin, conseillère à l’information d’Agri-Traçabilité Québec, un organisme sans but lucratif qui alimente la base de données nationale sur les déplacements d’animaux.
Quels produits sont actuellement touchés ?
Le veau de grain du Québec est la première production à avoir adopté un programme de traçabilité dûment certifié. De la naissance à l’abattage,
tout déplacement de l’animal
est en effet signalé à Agri-Traçabilité Québec, notamment au moyen d’un logiciel mis à la disposition des producteurs
pour mieux gérer les entrées en élevage. Le veau reçoit à la naissance une étiquette d’oreille qui le suit jusqu’à son abattage. Dans l’usine de transformation,
la traçabilité se poursuit, car on enregistre les numéros de carcasse. Idem à l’usine de coupe, où une codification permet, soit à l’entreprise de faire des rappels, soit au restaurateur
de remonter jusqu’à son fournisseur. « Cette précaution
répond à une demande de la population, signale
M. Réal Daigle, de la Fédération de producteurs de bovins du Québec. Il existe en effet depuis longtemps un mécanisme de rappels, mais la traçabilité complète propose un système perfectionné et plus efficace. »
Côté boeuf, dans les grandes chaînes alimentaires, un protocole de registre interne oblige chaque magasin à noter dans un cahier de charges le numéro de chacune des « boîtes de boeuf » transformées au cours de la journée. Le suivi, qui s’amorce rigoureusement de la ferme à l’abattoir jusqu’au distributeur, est donc maintenu jusqu’à cette étape. Une fois en restauration, le boeuf peut aussi faire l’objet de traçabilité, puisque le numéro de lot figure sur la boîte de boeuf provenant de tout abattoir d’inspection fédérale. Le restaurateur peut donc se constituer un cahier de charges où il note le numéro de lot et la date de sa transformation.
La volaille n’est pas en reste. « En fait, devant les inquiétudes suscitées par la grippe aviaire, ce dossier a été ramené en priorité », souligne Mme Boutin. « Conformément aux exigences de l’Agence canadienne d’inspection
des aliments (ACIA), nous respectons l’obligation d’associer
un numéro à chaque lot de production. En cas de problème, le restaurateur n’a qu’à mentionner
le numéro de lot pour qu’on puisse retrouver son heure et sa date de traitement, explique
M. Serge Potvin, chef de secteur, Marketing, à Exceldor.
Qu’est-ce qui se fait ailleurs ?
Le système canadien de traçabilité
de la viande est à « des années-lumière » en avance sur celui des États-Unis, signale le magazine américain Meat Marketing & Technology de janvier 2005. En fait, plusieurs États limitent encore la traçabilité
à leurs limites frontalières,
les données étant perdues dès que la marchandise passe dans un autre État. De plus, le protocole n’est pas toujours uniforme d’un État à l’autre, ce qui est moins efficace. « Heureusement, le Canada a la chance de disposer d’un système qui permet de remonter au troupeau d’origine et qui a fait ses preuves », explique M. Martin Lemoyne, directeur de la mise en marché du Québec pour le Centre d’information sur le boeuf.
En Europe, avec l’entrée en vigueur, en janvier 2005, d’un nouveau Règlement du Parlement européen, tout intervenant du marché alimentaire a des obligations
de traçabilité. En effet, parmi les principes généraux que ce règlement établit, la traçabilité des produits est prévue à toutes les étapes de la chaîne alimentaire. En France, quelques fabricants proposent par l’entremise de leur site Internet d’obtenir de l’information
de traçabilité à partir du numéro de lot figurant sur leurs produits.
Un précieux outil informatique
aide le restaurateur à bien gérer le tout. Le programme Cegid Hôtellerie-Restauration comprend un module de traçabilité
qui permet à l’exploitant de saisir les numéros de lot des matières premières achetées. Il peut ensuite créer des lots de production en produisant au moment de la transformation des étiquettes qui portent les indications nécessaires pour assurer une bonne traçabilité
(numéro de lot en codes à barres, etc.). Ces étiquettes sont ensuite tout simplement collées sur chaque fiche de production. On assure ensuite l’historique d’utilisation des lots en numérisant
les fiches de production. Il est ainsi facile de retrouver un lot de matières premières et de savoir ce qu’il en est advenu. Cet outil informatique n’est cependant pas offert sur le marché nord-américain.
Étiquette d’identification par radiofréquence, analyse génétique,
lecture de l’iris ou de la rétine... voilà d’autres pistes qui font actuellement l’objet de mesures ou d’évaluations. Bref, les constats ont été faits, les intentions sont en place, et les mesures se conçoivent progressivement. Le respect de la traçabilité fait bel et bien partie des moeurs et devient une corde de plus à mettre à l’arc des compétences du restaurateur.