Négociation : entre les hôteliers et la CSN, le bras de fer continue
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Reine Elizabeth, Mariott Château Champlain, Bonaventure… des salariés ont de nouveau fait grève durant 24 heures dans les hôtels du centre-ville de Montréal en début de semaine. La négociation coordonnée dans 30 hôtels de la province patine depuis juin sur la question des revalorisations salariales.
Chaque quatre ans, la négociation, qui concerne 3500 travailleurs de l’industrie, membres de syndicats de la Fédération du commerce affiliés à la CSN, se fait en coordination dans plusieurs hôtels. Une interface commune de revendications est mise en place et des consultations se font au fil des avancées en fonction des différents employeurs.
Si les conventions collectives dans certains hôtels sont déjà arrivées à échéance cet été, la négociation ralentit en particulier sur la partie salaires depuis plusieurs semaines.
Une demande de « rattrapage »
Malgré une hausse d’environ 8% de la rémunération des salariés sur la période 2020-2024 selon Michel Valiquette, le trésorier et responsable du secteur du tourisme au CSN, ce n’est pas suffisant. « L’indice des prix à la consommation a augmenté de plus de 8% depuis 2022, ce n’est pas normal que nos salaires ne suivent pas, martèle-t-il. Alors que le prix des chambres affichés dans nos établissements est en augmentation constante. Ils ont une dette envers nous ! » Le syndicat demande, parmi sept revendications communes, une augmentation salariale de 36% sur la période. À savoir, 15% dès cette année et 7% les trois années suivantes.
Pour les syndiqués, c’est une question de rattrapage liée à une perte de pouvoir d’achat subie durant la période mais aussi de justice sociale. « On est pas contre le fait que les hôteliers fassent de l’argent, c’est très bien pour le secteur, mais on voudrait que les bons résultats soient mieux répartis, indique Michel Valiquette. S’il nous démontrent qu’ils ne font pas d’argent, on aura un autre discours ».
Ce dernier souligne également la pénibilité inhérente au secteur hôtelier avec du travail de nuit et des horaires décalés qui justifient des efforts de rémunérations plus conséquents.
La retenue des hôteliers
Du côté des hôteliers, la vision de la négociation est toute autre. S’ils soulignent des discussions cordiales sur les aspects normatifs des conventions collectives, la partie salariale fait grincer des dents dans les directions financières des groupes hôteliers. « Dire que nos hôteliers engrangent des profits sur le dos des salariés, c’est faux », se défend Eric Hamel, directeur général par intérim de l’Association hôtelière du Grand Montréal (AHGM) qui ne comprend pas sur quelle base les salariés syndiqués se fondent alors que le secteur est encore à se relever depuis la pandémie.
« Si on compare les huit dernières années, l’augmentation des salaires compense l’inflation. Il n’y a pas de notion de rattrapage à avoir et pas de logique à penser que nos employés ont perdu du pouvoir d’achat », précise-t-il.
Pour lui, le CSN met la pression sans un argumentaire valable. « C’est leur façon de faire depuis 40 ans, ajoute Eric Hamel. Nous ne sommes pas contre les moyens de pression, mais aujourd’hui, nous considérons qu’il n’y a pas de raison de le faire ».
D’après Statistique Canada, l’inflation a pourtant été élevée sur la période contestée. L’augmentation des prix a été de 6,7% en 2022 au Québec et de 4,5% en 2023. Sur la période 2020-2023, l’inflation a atteint 15,7% dans la belle province.
Pour faire valoir leur point de vue, chaque partie veut se mettre la clientèle touristique dans sa poche. Alors que le CSN voit des clients qui les soutiennent dans leur action dans les halls en défendant leur métier, les hôteliers montréalais arguent que ces grèves et débrayages successifs ont un effet négatif pour la réputation de Montréal. Selon un sondage réalisé par les établissements eux-mêmes, 60% des clients seraient dérangés par la situation. « Ça n’aide pas leur monde dans le long terme », conclut Eric Hamel.
D’après Michel Valiquette, 29 des 30 hôtels qui font partie de la négociation coordonnée ont conservé 24h de débrayage. Des grèves vont se poursuivre et la date du 8 août est cochée sur le calendrier. Le bras de fer continue.