Le couteau est le prolongement de la main du chef. Il est son outil le plus précieux et celui avec lequel il passera le plus de temps. Sa sélection et son entretien ne doivent pas être négligés. L’achat d’un couteau est très personnel. Le chef fera son choix en fonction de l’usage qu’il souhaite en faire et de son appréciation de la prise en main lors de l’achat. Mais attention, le couteau le plus cher n’est pas forcément le meilleur, et bien des critères entrent en ligne de compte lors de la sélection de couteaux.
Chaque partie du monde dispose d’une vaisselle et d’une verrerie qui lui est propre. Les couteaux de chef n’échappent pas à ces valeurs culturelles. Il existe un couteau pour chaque tâche, mais le couteau du chef est le plus essentiel pour tout cuisinier, car il sert pour les techniques de base. Les professionnels québécois se dirigent surtout vers les modèles de 10 pouces, les 8 pouces étant davantage destinés au marché résidentiel.
LES FORMES DE LAME
La lame de style européen qui est utilisée en Amérique du Nord, avec une section courbée en son bout, est plus agréable pour émincer. Autant la cuisine fusion est arrivée dans nos assiettes, autant les lames japonaises nord-américanisées sont arrivées entre nos mains. Ces lames se sont adaptées à nos techniques culinaires ; la lame alvéolée, munie de creux, permet de créer des poches d’air réduisant la friction et l’adhérence lors de la coupe.
FORGÉE OU ESTAMPILLÉE
Pour simplifier, disons qu’un couteau forgé est fait d’une seule barre d’acier, et d’un lingot qui est travaillé soit par un artisan, soit moulé industriellement avec une matrice. Un modèle estampillé est une feuille d’acier découpée à l’emporte-pièce. Il existe cependant sur le marché des couteaux forgés de mauvaise qualité et des couteaux estampillés de très bonne qualité, cela dépend beaucoup de la qualité de l’acier et du travail de finition.
Un couteau lourd sera plus fatigant à utiliser, mais procurera une plus grande force lors de l’utilisation du talon du couteau pour trancher les aliments plus durs. La mitre (aussi appelée le talon ou la garde), partie plus large de la lame située juste après le manche, vous montrera que ce couteau est un modèle forgé et non estampillé – ce critère ne s’applique pas aux lames japonaises. Chez les distributeurs du domaine de la restauration, un couteau forgé sera à peu près trois fois plus cher qu’un modèle estampillé. Ce dernier sera donc préféré pour son prix, sa légèreté (semblable à un modèle forgé japonais : lame forte en carbone), et son confort, mais l’utilisateur devra s’accommoder de son manque de robustesse.
Essayer de couper un os, ou de trancher un aliment surgelé peut vous mener à une perte de garantie si l’outil s’ébrèche. Chaque tâche a son outil.
LA MAJORITÉ DES ACIERS ONT LES MÊMES INGRÉDIENTS
La part de chacune des composantes de l’acier et les méthodes de forge jouent sur le tranchant, l’oxydation et la résistance aux chocs de la lame. Les lames faites en majorité d’acier « carbone » sont très robustes et permettent de maintenir un fil tranchant pour une longue période. Elles sont difficiles d’entretien et ternissent (s’oxydent) rapidement. Les lames en acier inoxydable ont une résistance accrue à la corrosion, mais un tranchant moins robuste. Il y a aussi les lames « sandwichs » (damassées), alliant un coeur de lame en acier dur et tranchant – rigidité de la lame – avec plusieurs couches d’acier inoxydable, plus tendre pour donner de la souplesse à la lame.
DURETÉ DE LA LAME
Chaque manufacturier y va de sa propre recette pour entretenir son image de marque. L’échelle de Rockwell HRC indique la dureté de l’acier :
- Entre 54 et 56 HRC : l’acier est plus tendre, le tranchant est techniquement moins durable, mais il est plus facile à entretenir.
- Entre 56 et 58 HRC : l’acier est plus dur, le tranchant est techniquement plus durable, mais plus difficile à affûter.
- À partir de 60 HRC : l’acier est très dur et de très bonne qualité, mais beaucoup plus difficile d’entretien par le chef lui-même.
Les céramiques : très tranchantes pour très longtemps, elles sont peu utilisées en cuisine commerciale, car très fragiles (peuvent se « briser » en écrasant une gousse d’ail…) et nécessitent un aiguisage au diamant.
La dureté de l’acier n’est pas un critère en soi, sauf exception ; plus une lame est dure, plus elle va être difficile à réaffûter.
Photo : © Opinel
LE MANCHE
La soie d’un couteau est le prolongement de la lame qui est localisée dans le manche. Visible ou non, elle donne un meilleur équilibre à l’outil. Sur certains modèles d’entrée de gamme, elle n’est que partielle. Les rivets qui maintiennent les deux plaquettes (écailles) du manche à la soie doivent être lisses et non accrochants. Le confort de prise est primordial. La forme du manche doit bien épouser la main du cuisinier et doit être saisissable fermement sans forcer, mais il ne doit pas être glissant. Faites originalement de bois, les écailles des manches sont de nos jours faites de dérivés de plastique et de néoprène (effet gommant) pour des raisons sanitaires et de durabilité.
Il vaut souvent mieux acheter la renommée et le savoir technique d’un fabricant plutôt qu’un type d’acier.
Un couteau bien tranchant limitera les blessures et assurera un plus grand confort de travail.
Photo : © Opinel
Avis de chef
Pour être honnête, je n’ai pas une marque de couteau qui me tient à coeur plus particulièrement. Mon couteau préféré, c’est un couteau que je me suis procuré au magasin L’émouleur (avenue Laurier Ouest, Montréal). Il s’agit d’un couteau japonais forgé à la main. Je n’ai jamais vu une lame aussi tranchante et précise dans sa coupe. Toutefois, au travail, je n’utilise pas ce couteau, car il arrive de temps à autre que les cuisiniers s’empruntent leurs couteaux et celui-ci est très fragile. Je le garde pour mon usage personnel à la maison. Depuis mon voyage en Australie en 2007, mon couteau du chef est un Victorinox de neuf pouces avec un manche noir Fibrox. Mon objectif est d’aiguiser mes couteaux moi-même. Je suis tellement habitué à voir des cuisiniers utiliser un couteau qu’ils ont payé cher, mais qui coupe mal parce qu’ils n’entretiennent pas leur lame. Je crois qu’il faut se trouver un couteau offrant un bon rapport qualité-prix, qui est confortable à manier, et apprendre à l’entretenir. Cette dernière étape bien maîtrisée, l’investissement dans une lame plus chère peut être envisageable.
Guillaume Cantin, chef au restaurant Les 400 coups, Montréal
GALERIE DES ÉQUIPEMENTS
GLOBAL – couteau de chef BRO71G16
- Fabriqué avec des aciers inoxydables de première qualité (le CROMOVA 18) ce couteau trempé dans un bain de glace et a une dureté Rockwell de 56 à 58 HRC.
- Lame tranchante qui résiste à la rouille, aux taches et à la corrosion.
- Design exclusif monobloc qui garantit une bonne prise en main et un confort d’utilisation appréciable.
- Soigneusement pondéré afin d’assurer un équilibre parfait dans la main.
En vente notamment chez Després Laporte | Doyon cuisine | Empire Crockery | Russell-Rinfret
VICTORINOX – Fibrox 40521
- Fabriqué en Suisse.
- Lame estampillée en acier exclusif à Victorinox.
- Tranchant exceptionnel, de longue durée et facile à entretenir.
- Manche en Fibrox ergonomique et léger, réduit ainsi l’effet de fatigue.
- Prix abordable, ce qui en fait un des meilleurs achats qui soient.
En vente notamment chez Després Laporte | Doyon cuisine | Empire Crockery | Russell-Rinfret
SANELLI – Professionnel 3166.25
La coutellerie Sanelli a créé sa gamme Premana Professional en analysant et en résolvant tous les problèmes rencontrés par les professionnels qui utilisent ces outils de travail quotidiennement.
- Lame ferme et résistante (de 54 à 56 HRC).
- Potentiel tranchant élevé, longue durée de vie et excellent potentiel d’affilage.
- Manche ergonomique qui assure une réduction sensible de la fatigue chez l’utilisateur.
- Surface polie mais légèrement rugueuse, qui empêche le manche de glisser et rend son utilisation beaucoup plus sécuritaire.
En vente notamment chez Després Laporte | Doyon cuisine | Empire Crockery
OPINEL – Chef
La réputation des couteaux Opinel n’est plus à faire. Connue et reconnue dans le monde entier, la marque Opinel à « la main couronnée » ne cesse de se démarquer avec ses produits robustes, pratiques et de qualité depuis 1890.
- L’Opinel 218 Chef a une lame galbée de huit pouces en acier inoxydable SANVIK.
- Manche POM (polyoxyméthylène) qui assure une haute résistance.
En vente notamment chez Doyon cuisine | Endorphine
FISCHER BARGOIN - Creative Chef
Depuis 1829, ce fabricant français crée de la coutellerie professionnelle ainsi que des outils et du matériel pour les métiers de l’alimentation. Découvrez Creative Chef, une nouvelle gamme complète de couteaux et ustensiles, offerts en cinq couleurs pour respecter les normes internationales d’hygiène sur les denrées alimentaires.
En vente notamment chez Endorphine
HENCKELS - Professionnel S
- Son manche est composé d’écailles Novodur, de trois rivets et d’une pleine soie.
- Traditionnel et classique, avec une transition homogène entre la mitre (protège la main) et le manche.
- Lame FRIODUR faite d’acier inoxydable trempé, et forgée d’une seule pièce ; la formule unique est issue de ZWILLING J.A. HENCKELS.
En vente notamment chez La Guilde Culinaire
MIYABI - 7000D Gyutoh huit pouces
- Couteau de type Santoku (japonais), parfait pour couper les viandes.
- Lame symétrique composée en son centre d’un coeur en acier CMV60 (cobalt résistant à la corrosion, molybdène pour sa solidité, et vanadium pour lier les deux éléments) enveloppé de 32 couches d’acier inoxydable.
- Manche traditionnel en forme de « D » pour un contrôle du bout des doigts, sans effort, fabriqué en acier inoxydable et Micarta (multicouche de lin et résines).
En vente notamment chez Després Laporte | La Guilde Culinaire
SHIMAKI MIGAKI
- Couteau japonais de type Hakata forgé à la main et provenant de la région de Fukuoka.
- Fabrication similaire à celle des sabres japonais : San Mai (trois couches d’acier). Les deux couches extérieures sont composées d’acier inoxydable et le coeur est composé d’acier shiroko, un des meilleurs aciers traditionnels japonais.
- Cet acier est si dur et fort qu’il tient un tranchant des plus minces pour une période de temps de beaucoup supérieure à n’importe quel autre couteau.
- Manche fait d’ébène.
En vente exclusivement chez L’émouleur, lames d’exception.
CCI - Professional Chef Euro Culinary Series
Canada Cutlery inc. fournit des couteaux de qualité professionnelle à des chefs de l’industrie des services alimentaires et des écoles culinaires en Amérique du Nord depuis plus de 50 ans.
Pour le modèle 82009-250 :
- Lame forgée en courbe pour permettre un mouvement de bascule lors de l’utilisation, afin d’obtenir une coupe plus précise.
- Manche antidérapant offert en sept couleurs pour limiter les contaminations croisées (HACCP).
En vente exclusivement chez Russell-Rinfret
Avis de chef
L’entretien d’une lame
« Selon moi, pour un bon entretien des couteaux, il faut tout d’abord choisir les bons outils. Un fusil est bon pour l’affûtage quotidien du couteau. Celui en céramique est le seul vraiment utile à mon avis. Il est conçu avec plus de dureté que tous les types d’acier, et sa légère abrasion permet d’enlever peu de matière et donc de rétablir le fil de la lame en trois à six coups avec un angle de 15 degrés. On réalise cet entretien dès que l’on sent un moins bon tranchant dans la lame. Quand le couteau a perdu son fil, les pierres à eau sont là. Contrairement aux meules ou straps, leur abrasion est efficace et ne chauffe pas la lame. Pour les lames japonaises, selon les types d’acier et aussi les exigences de l’utilisateur, on utilise des pierres d’un grain variant de 200 (pour les couteaux qui ont besoin d’être ressuscités) à 12 000 (pour un fini miroir). Un grain de 1 000 est largement suffisant pour l’aiguisage des lames européennes, car leur type d’acier ne résiste pas à un grain plus fort ; on en perd le fil.
« Les knifenerds comme moi sont aussi des collectionneurs qui n’hésitent pas à mettre à l’épreuve ces outils pour ensuite les placer dans un ordre de préférence. J’ai en ma possession plus de 50 couteaux et pour certains, la valeur dépasse 400 $, ce qui n’est rien comparé à certains couteaux d’artisan qui valent des milliers de dollars ou ceux de Bob Kramer, qui a une liste d’attente de personnes voulant se procurer un exemplaire à des centaines, voire des milliers de dollars l’unité.
« Pour l’aiguisage manuel à la pierre, il faut garder l’angle de 15 à 20 degrés tout au long du processus et passer la pierre du plus gros grain vers le plus fin jusqu’au résultat voulu. J’aiguise mes couteaux à des fréquences régulières, donc je commence souvent par 1 000 et je dépasse rarement 5 000. L’utilisation du fusil en céramique permet justement de garder les couteaux en bon état de coupe plus longtemps. Je les aiguise plus souvent, mais moins longtemps, soit deux ou trois fois par mois.
« Pour laver vos couteaux, utiliser une eau chaude avec un savon doux, sans tampon récurant, et surtout, ne jamais les passer au lave-vaisselle. »
Yan Garzon, chef exécutif de l’Hôtel Mortagne, Boucherville